Gustave Serrurier-Bovy

L’occasion est belle, en ce mois d’octobre 2015 au cours duquel Liège vit au rythme du design (RECIPROCITY, Triennale internationale Design & Innovation sociale, propose 55 évènements gratuits sur le territoire liégeois, du 1/10 au 1/11/2015, www.reciprocityliege.be) de rendre hommage au plus illustre des précurseurs du modernisme et de l’esthétique industrielle, l’architecte-décorateur Gustave Serrurier-Bovy (Liège, 1858-1910)

Longtemps présenté comme un des représentants de « l’Art nouveau », Gustave Serrurier (dont le nom reste intimiment associé à celui de Maria Bovy qu’il épouse en 1884) s’est pourtant très vite détaché de cet art luxueux destiné aux nantis et s’est résolument tourné vers un art social, un art pour tous. À contrecourant des tendances artisanales et luxueuses de l’esthétique en vogue au tournant du siècle, il fait, par ses choix de fabrication mécanisée, de fonctionnalité, de rationalité et de simplicité, figure de progressiste, de visionnaire en avance sur son temps, tant esthétiquement, que socialement.

Tout à la fois architecte, architecte d’intérieur, ébéniste, décorateur, concepteur de mobilier, de luminaires, de textiles, fabricant et marchand, Gustave Serrurier, va révolutionner la pratique des arts décoratifs en ouvrant les portes du modernisme et du design industriel.

« C’est à cette catégorie de travailleur que j’appelle artisan, faute d’un vocable précis, que je voudrais montrer que l’art n’est nullement au service de la richesse seulement. Bien au contraire, le goût a plus à craindre du luxe que de la modestie et les exigences de la simplicité lui sont moins dangereuses que les facilités de l’opulence (...) Il faut que la grande masse participe à la vie artistique (...) Il faut croire à l’avenir et travailler pour lui », écrit-il déjà en 1895.

Ses pièces de mobilier, tel que l’ensemble Silex, sont emblématiques de la production de mobilier en série et souvent présentés comme l’ancêtre du mobilier Ikea. Dépouillé, simple, beau, solide et le moins cher possible, ce mobilier présente les caractéristiques suivantes : utilisation exclusive de planchettes en bois peu coûteuses (peuplier ou bouleau) ; montages par vis sur plaquettes carrées ou rondes peintes en bleu, vert ou rose ; utilisation de panneaux minces montés dans les rainures d’un encadrement pour les portes ; décors peints au pochoir (iris stylisé s’insérant dans un carré non figuré) ; ferrures orthogonales fixées par des vis.

La photographie de Gustave Serrurrier, dans un cadre Serrurier-Bovy, est un don fait au musée, en 1986, par la petite-fille de l’artiste ; cette pendule réalisée vers 1905, fait partie d’un ensemble de pièces (dont un miroir, une table et une sellette), acquis récemment par la Ville de Liège. L’aménagement, au sein du Grand Curtius, d’une section plus grande et mieux réprésentative du génie de Serrurier-Bovy est actuellement à l’étude.

Pauline Bovy,
Conservatrice