La manufacture de faïences de Saint-Léonard, à Liège (1772-1811)
Le 11 août 1772 était fondée la société anonyme de Saint-Léonard, manufacture de faïences sise près du couvent des Récollectines1, dans le quartier Saint-Léonard à Liège. La construction et l’aménagement de la nouvelle usine (construction d’ateliers, de trois fours, d’un lavoir, d’un bûcher, de magasins...) durèrent jusqu’en 1775.
La manufacture dirigée par Joseph Boussemart, produisit dans un premier temps de la faïence ordinaire et aussi, à partir de 1781/1782, de la faïence fine. En 1786, Boussemart abandonna la direction de la manufacture à son principal associé, Thomas Cambresier à qui succéda, en 1802, Vaust-Ainé.
Le 8 janvier 1811, la manufacture fermait ses portes à cause de l’insuffisance de fonds, de subsides et de protection douanière.
Une production diversifiée
Un document autographe de Boussemart conservé à la Bibliothèque Ulysse Capitaine2 nous renseigne sur la quantité de faïences produites en un mois, entre le 7 octobre et le 7 novembre 1782. Durant ce laps de temps, la manufacture - qui comptait une cinquantaine d’ouvriers - avait produit en trois fournées, 16.450 pièces de faïence ordinaire et 1450 carreaux de cheminée. En sept autres fournées, les ouvriers avaient produit 7.748 pièces de faïence fine.
La faïence ordinaire, cuite dans un grand four, comprenait des assiettes à la française et à la hollandaise, des bassins à barbe, des boites à thé, des cafetières, des pots à lait et des pots à bière, des pots à tabac, des saladiers, des rafraîchissoirs, des vases de 25 pouces (environ 70 cm), des fontaines ou encore des carreaux.
La faïence fine, cuite dans un petit four, comprenait des bénitiers, des bougeoirs, des chandeliers, des cuillères (à sucre, à moutarde, à ragoût et à soupe), des moutardiers et des saucières, des salières, des pots à lait, des théières, des coquemars, des paniers à fruits, des encriers, des lampes de nuit, des cache-pots, des chiens, des moutons, des figures telles « la poule et le chien » ou « les quatre saisons » ...
Dans son mémoire sur les recettes et procédés de fabrication à la manufacture de faïence de Liège rédigé en mai 1786, Boussemart donne de précieuses indications sur la fabrication de la calcine, la composition de l’émail, la composition des terres utilisées pour la fabrication des faïences ou encore la composition des couleurs. Dans ses propos revient régulièrement la notion d’économie afin de réduire les frais de production.
Une source de connaissance précieuse sur la faïence liégeoise produite à Saint-Léonard est la découverte fortuite, en 1922 et surtout en 1926, suite à des travaux de terrassement exécutés quai de Coronmeuse, d’un nombre considérable de rebuts de fabrication déversés vraisemblablement entre 1794 et 1805 à plusieurs centaines de mètres de l’usine. Le professeur J. Breuer qui suivait les travaux, récolta de nombreux échantillons qu’il expédia au musée Curtius (57 caisses et boîtes de formats différents).
-----
(1) Près de l’actuel hôtel Ramada Plaza.
(2) « Extraits des registres, des manufactures de faÿances, de porcelaines et de terre de pipe, tendant a donner une idée juste à mrs les interessés aux dites manufacture du produit et benefices qu’ils peuvent esperer sur icelles ». Fonds Capitaine n° 3525.
Jean-Luc Schütz,
Conservateur du département d’archéologie